Je suis fortement attachée à ce que j’appellerais les trois Europe. J’ai grandi et suivi ma scolarité en France, pays fondateur du mouvement d'intégration européenne ; j’ai vécu et étudié en Pologne et en République Tchèque, parties au grand élargissement de 2004 ; je suis née en Bosnie- Herzégovine, pays potentiellement candidat. L’élargissement de l’Union Européenne serait pour moi l’approfondissement de mon sentiment de citoyenne européenne.
L’Union Européenne élargie, c’est encore plus d’unité dans la diversité.
C’est une sécurité accrue, plus d’échanges, plus d’opportunités, mais c’est aussi plus de culture, plus de débats, plus de tout ce qui fait chacun d’entre nous plus fort. C’est un petit monde dans l’Europe. C’est la possibilité de rester en Europe et d’avoir l’impression d’être allé se dépayser à l’autre bout du monde. C’est la possibilité de mettre en commun toutes les forces du continent. C’est la possibilité de se faire des amis qui nous permettent d’élargir notre propre vision des choses.
L’été dernier encore, on me demandait si je voyais une différence entre la jeunesse bosnienne et la jeunesse française. Pourquoi les gens pensent-ils que ces deux parties du continent sont si différentes ? Oui, bien sûr, elles ne sont pas identiques, mais le Nord et le Sud de la France sont-ils entièrement comparables ? Alors, évidemment, de nombreux aspects différencient les jeunes bosniens des jeunes français. Mais, après tout, ces deux jeunesses sont européennes, sont formées de personnes de différentes religions, de différentes origines, qui ont différents rêves. Mais, tous font partie de cette génération qui sait qu’elle ne devra pas seulement refaire le monde, mais plutôt qu’elle devra lutter pour que le monde ne se défasse pas. Alors, oui, ces deux jeunesses sont liées par un destin commun. L’élargissement de l’UE pourrait aider ces jeunes à se rendre compte qu’ils sont plus proches dans leurs idéaux qu’ils ne le pensent.
Bien sûr, l’élargissement entraine des défis pour arriver à des compromis parmi des pays différents, mais justement, les similarités dans la vision d’un futur commun devraient permettre de mettre fin à ces conflits. Et, serait-il juste de laisser de côté certains pays européens, hors de l’UE, créant un nouveau rideau de fer virtuel ?
Nous, les Européens, nous sommes similaires, mais aussi différents, nous sommes complémentaires car nous nous comprenons mais nous nous apportons chacun mutuellement des petites nuances.
Nous sommes unis dans les combats, dans la tristesse comme dans le progrès. Mon Europe va du Portugal aux Pays Baltes, de l’Islande aux Balkans, mon Europe n’a pas de frontières, mon Europe est multiple et c’est ce qui fait d’elle quelque chose d’intéressant et d’unique. Mon Europe avance sans oublier son passé.
En ce qui me concerne, les Européens hors de l’UE ne sont pas différents de ceux qui sont dans l’UE. Ils n’ont peut-être pas les mêmes devoirs ni les mêmes droits, mais ce sont les mêmes êtres humains. Ils se battent pour les mêmes idées et ont les mêmes buts pour leurs vies futures. Ils sont juste à un pas d’être vraiment similaires aux autres européens.
Je suis Européenne, mais je suis autant Est-européenne qu’Ouest-européenne, que Centre- européenne ; pourtant, je ne suis pas schizophrène. Je suis juste une européenne accomplie, un être complexe comme peut l’être l’Europe, mais un être harmonieux, comme elle l’est aussi. Tous ces mélanges font un parfait équilibre : les différences renforcent chacun d’entre nous, mais elles peuvent aussi nous éloigner, ce qui ne se passe pas car les similarités et l’envie de coopérer sont plus fortes.
Je vis actuellement dans un campus universitaire où cohabitent de jeunes femmes et hommes de 37 nationalités différentes, mais avec majoritairement des européens. Nous parlons quasiment tous les mêmes langues, nous écoutons quasiment tous les mêmes musiques, nous avons visité quasiment les mêmes pays, nous regardons quasiment les mêmes films, ... quasiment, et c’est bien-là le ‘plus’. Car, les petites différences qu’entraine ce mot ‘quasiment’ sont justement la valeur-ajoutée de mon expérience avec ces autres qui viennent de diverses contrées du continent. Ils me font découvrir de nouvelles chansons, me conseillent de regarder certains films, m’apprennent de nouveaux mots, me décrivent leur séjour dans une ville que je ne connais pas, me font voir un événement d’une autre perspective. Et touche par touche, goutte par goutte, nous nous influençons mutuellement et nous nous imprégnons des différentes facettes qui composent l’Europe.
Et ainsi, bien au-delà de ne me sentir que citoyenne de l’UE, je me sens Européenne, citoyenne d’un continent tout entier.
Ainsi, je vis déjà dans l’Europe élargie future, je vis en « Euro-cosmopolitanie ».